A PARTYYYYY!

Les soirées mondaines, c'était très chiant. Mais chiant, mais d'une force, c'était assez peu croyable. Pimi détestait les soirées mondaines. La musique de rupins, compagnie Octavia et fils diplômée d'Etat spécialisée dans la restitution des opéras de Mozart, tout ce petit monde riche et prétentieux, Pimi le haïssait. Il y avait des milliers de raisons pour justifier un tel dégoût: leurs tenues faussement propres sur elles, leurs grands airs supérieurs de "Oui, tout à fait", le petit doigt qui s'lève quand ils tiennent un verre, faire tourner le Côte du Rhône dans la coupe de cristal pour s'assurer qu'il n'y avait pas résidus, mais pire encore. Dans leur stupidité astronomique, les rupins oubliaient de vivre. Rire aux blagues pas drôles, apprécier la merde sous prétexte que c'est "TELLEMENT ORIGINAL", ça, c'était ça qui la faisait enrager, Pimi. Pas moyen. Pas moyen. Il y avait richesse et richesse. Il y avait luxe et luxe. Il y avait bien vivre et bien vivre, apprécier et apprécier, rire et rire et tant d'autres choses. Profiter, simplement, on peut aimer sans manières, on peut être poli sans être pompeux, et ça, ils ne le comprenaient pas. Tant pis pour eux vraiment, tant pis pour eux.
Ouais, parce qu'ici présentement on fait la teuf.

Pimi savait qu'elle était connue, là n'était pas la question. Quand elle avait vu sur la porte des chiottes d'une des boîtes de Kichi qu'un bal se préparait au château, elle savait qu'elle serait de la partie avant même qu'elle ait commencé, ça, c'était pas une surprise. Par contre, c'est peu dire si elle s'attendait à recevoir une lettre la conviant à l'évènement... en temps qu'animatrice! Cette soirée s'annonçait mémorable: il y avait des fonds, des moyens, un emplacement de rêve, et toute la ville y serait conviée, que demander de plus? Pim se mit alors en tête d'enjoliver la soirée à sa manière. Une scène à l'intérieur serait consacrée à la musique du seizième méga prout-prout et compagnie tandis que les jardins, du moins un coin des jardins, lui serait réservée. Ce serait la partie teuf, donc. Des pétards, de l'alcool, des meufs à moitié nues, des mecs à moitié nus, des guitares, des basses, une batterie, des amplis, des néons, des projos, et un putain de micro sa race dans lequel elle hurlerait jusqu'à en crever. Ouais, la soirée s'annonçait plutôt pas mal.
La tenue était primordiale: fallait rester dans les tons de rose sans passer pour une meringue et ça, c'était compliqué. Toutes les robes faisaient pimprenelle. Les chaussures à talons faisaient fillette. C'était affreux. Donc, commande sur-mesure pour dans trois jours. Et c'est ainsi que Pim se retrouva à porter une robe courte, pleine de froufrous et de rubans et de bordel en tous genres, rose vif, et des cuissardes tout aussi roses. Restait plus qu'à lisser la tignasse bouclée pour que le tout soit impeccable. Ça allait être métal!

Il y avait déjà un peu de monde dans la cour lorsqu'elle arriva. Les musiciens étaient déjà là, eux, et n'avaient pas besoin de son feu vert pour commencer à jouer sans elle. Certains dansaient, mais au final beaucoup finissaient par rentrer dans le château, les animations se déroulant principalement en son sein. Qu'à cela n'tienne, le concert ne s'arrêterait pas de si tôt! Une poignée de main à tout le monde, deux-trois photos pour la forme, puis elle monta sur scène et s'empara du micro. L'orchestre n'avait qu'à bien se tenir!
Mais Pim n'était pas si stupide. Chaque morceau était accompagné par une douce mélodie de piano ou de violon, discrète, qui donnait tout son sens à la mélodie bien plus dure et animale de la voix et de celles des instruments de ses copains. Il ne s'agissait pas de bruits parasites, mais de métal symphonique. Et bien qu'elle n'avait pas du tout l'habitude de composer dans ce genre d'ambiance, le rendu n'était pas si mal. Du tout, d'ailleurs, étrange. Dans le public, il y avait des valses, des headbangs et au final un peu de tout, c'était marrant. Ça faisait presque un quart d'heure que la rose n'avait pas lâché le micro, et son souffle en pâtissait. Pas grave, elle allait continuer sur quelque chose de plus calme. Prenant sa voix la plus douce dans son camaïeu d'alto, elle quitta la scène pour aller se mélanger au public. Faire le tour des jardins, au final. C'est là où elle les vit.

Des gens. Rien de spécial, mais si, ils avaient quelque chose de particulier. Enfin, ils l'attiraient. Et pourtant, rien ne faisait qu'elle irait plus vers eux que vers les autres. La voix s'érailla légèrement, avant de s'éteindre. La musique ne cessa pas, Dieu merci, et elle courut -enfin autant que le permettaient des talons de onze centimètres- sur la scène reposer le micro.

- BON LES GENS, j'ai soif. Alors faites pareil que moi et allez vous servir quelque chose, j'reviens dans pas longtemps.

Dispersion, c'est ce qu'on appelle un instinct de meneur. Pim descendit à nouveau de son piédestal pour aller chercher ces gens si bizarres. P't'être qu'ils complotaient un truc et que son sixième sens l'avait compris? Quoi qu'il en soit, il fallait arrêter leurs actes avant qu'il ne soit trop tard! C'était son devoir de justicière de l'ombre!

- HÉ, VOUS! Z'avez pas soif?!

Très discrète. Comme toujours, dira-on...